« Un repas gratuit, ça n’existe pas. »
La théorie monétaire moderne (Modern Monetary Theory ou MMT) a fait parler d’elle ces derniers temps, et elle sert notamment de canevas à certaines des politiques économiques proposées par les candidats démocrates aux États-Unis.
Avec des taux d’intérêt mondiaux toujours près des planchers historiques et une croissance économique timide, il n’est pas étonnant que des tenants de la MMT se fassent entendre. Ainsi, la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a proposé son « New Deal vert », qui repose sur la MMT et qui vise la réalisation d’un éventail d’objectifs économiques et environnementaux sans augmentation des impôts.
Mais qu’est-ce que la MMT? Essentiellement, elle consiste à affirmer que les gouvernements peuvent dépenser pour stimuler la croissance, et qu’ils peuvent le faire en imprimant de l’argent, à coût nul, lorsque les taux d’intérêt avoisinent zéro, que l’inflation est faible et qu’une expansion de l’économie est possible. L’idée de base n’est pas nouvelle; la MMT est en fait un prolongement particulier de ce que proposait John Maynard Keynes, c’est-à-dire utiliser des déficits budgétaires anticycliques pour stabiliser l’économie. La MMT est toutefois mise en œuvre lorsque la politique monétaire est inefficace (c’est-à-dire lorsque l’économie est dans un piège à liquidités ).
La MMT peut être pertinente
Bien que de nombreux économistes aient mis en doute le fait qu’un gouvernement puisse dépenser à l’infini en imprimant de l’argent sans faire bondir l’inflation, la MMT semble valide à certains égards. Les déficits budgétaires sont justifiés dans une économie où i) les infrastructures sont mal en point, ii) le coût des emprunts du gouvernement est inférieur aux rendements de ses investissements, et iii) les dépenses d’investissement du secteur privé sont limitées.
Dans le contexte économique actuel, avec le vieillissement de la population, la MMT est attrayante. Les mesures d’assouplissement quantitatif ont d’ailleurs relevé de la MMT de bien des façons, notamment lorsque le gouvernement américain a remplacé, par le biais de la politique monétaire, l’émission d’obligations par l’émission de papier-monnaie pour couvrir ses dépenses budgétaires. Le Japon a lui aussi, ces 20 dernières années, appliqué une forme de déficit budgétaire inspiré de la MMT. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a pas eu de flambée de l’inflation.
Bien que le « New Deal vert » proposé par Mme Ocasio-Cortez ait été rejeté par le Sénat, le président Trump a annoncé récemment qu’il s’était entendu avec les leaders démocrates du Congrès sur un investissement de 2 000 milliards de dollars US en infrastructures. Si l’accord est adopté, le risque d’une hausse de l’inflation alimentée par une plus forte croissance pourrait nettement augmenter.
Plusieurs indicateurs de l’économie actuelle envoient des signaux contradictoires. Les mesures théoriques de la croissance potentielle montrent que les États-Unis et le Canada atteignent ou presque leur plein potentiel, avec un écart de production nul et des taux de chômage à des planchers historiques. Par contre, la croissance des salaires demeure anémique.
Si l’économie actuelle tourne pratiquement à plein régime, une hausse des dépenses publiques est-elle justifiée? Pouvons-nous maintenir la croissance économique sans qu’il en coûte quoi que ce soit?
En mars, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a affirmé dans son témoignage devant le Sénat américain que « la thèse selon laquelle les déficits n’ont aucune importance pour les pays qui peuvent emprunter dans leur propre devise ne tient tout simplement pas la route ». La plupart des économistes seraient probablement d’accord avec lui : les repas gratuits n’existent pas!
Au bout du compte, le mérite d’un déficit budgétaire se mesure à son effet sur l’inflation
Nous croyons que l’adage « la dose fait le poison » s’applique dans ce cas-ci. Une dose excessive de déficits budgétaires financés par la planche à billets aura tôt ou tard un effet toxique sur l’inflation, l’entraînant à la hausse. Toutefois, une utilisation judicieuse des déficits (une faible dose), même sur une période prolongée, n’entraînera pas forcément une hausse de l’inflation.
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