Série de conférences Beutel Goodman : Conversation avec Hydro One


15 décembre 2023

Dans le cadre de la série de conférences de Beutel Goodman, nous vous présentons une rencontre entre Chris Lopez, vice-président directeur et chef des finances et de la conformité chez Hydro One, et Sue McNamara, vice-présidente principale et chef de l’analyse du crédit chez Beutel Goodman.

Titre important de nos portefeuilles de titres à revenu fixe depuis plusieurs années, Hydro One est le plus grand fournisseur de services de transport et de distribution d’électricité de l’Ontario, comptant 1,5 million de clients dans toute la province.

Au cours de cette conversation, Chris et Sue ont parlé de certains des défis liés à l’exploitation d’une grande société de services d’électricité au Canada, la manière dont elle se positionne pour la transition énergétique, ainsi que son programme de financement durable.

 

Cet entretien a été enregistré le 17 novembre 2023. La présente transcription a été retouchée à des fins de clarté.

 

 

Remarque : Les renseignements contenus dans cette transcription et cet enregistrement ne constituent pas des conseils juridiques, financiers, comptables, fiscaux, liés aux placements ou autres, et ne doivent pas servir de fondements à de tels conseils. Il ne s’agit pas d’une invitation à acheter ou négocier des titres. Beutel, Goodman & Company Ltée ne cautionne ni ne recommande les titres dont il est question ici.

 

Sue McNamara : Bonjour à tous! J’aimerais commencer en soulignant que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés font partie du territoire traditionnel des Mississaugas de la Première Nation de Credit, des Anishinabés, des Chippewas, des Haudenosaunees et des Wendats. Ce territoire abrite aujourd’hui divers membres des Premières Nations et des communautés inuites et métisses.

Nous reconnaissons également que Toronto est visé par le Traité 13 signé avec la Première Nation des Mississaugas de Credit, et par les traités Williams signés avec de multiples bandes des Mississaugas et des Chippewas.

Merci de vous joindre à nous cet après-midi pour cet événement de la série de conférences Beutel Goodman qui met en vedette Hydro One. Je m’appelle Sue McNamara, vice-présidente principale et cheffe de l’analyse du crédit au sein de l’équipe des titres à revenu fixe et cheffe de l’investissement responsable chez Beutel Goodman. Aujourd’hui, mon invité est Chris Lopez, vice-président directeur et chef des finances et de la conformité chez Hydro One. Chris est un directeur financier de premier plan, comptant plus de 23 ans d’expérience dans des postes à responsabilités croissantes dans le secteur des services publics au Canada, aux États-Unis et en Australie. Sous sa gouverne, il y a eu une amélioration importante de la confiance des investisseurs en actions et en obligations, du cours de l’action et des gains de productivité chez Hydro One. Bonjour, Chris. Merci d’être avec nous aujourd’hui.

Chris Lopez : Bonjour Sue, merci de l’invitation. Je suis content d’être ici.

Sue McNamara : Très bien. Commençons. Depuis de nombreuses années, Hydro One occupe une place de choix dans nos portefeuilles de titres à revenu fixe. À titre informatif, Hydro One est le plus grand fournisseur de services de transport et de distribution d’électricité de l’Ontario, comptant 1,5 million de clients dans toute la province. Pour nous, Hydro One représente un titre obligataire de référence du secteur des services publics au Canada, et demeurera un placement à revenu fixe de base pour nous pendant encore longtemps. Comme détenteurs d’obligations, nous avons tendance à porter une grande attention au risque. Généralement, ce n’est pas l’optimisme qui nous étouffe. Nous avons l’habitude de broyer du noir, pour ainsi dire. Nous nous concentrons donc sur le risque, notamment celui de baisse. Notre objectif, c’est de récupérer le capital à l’échéance et d’encaisser des coupons au passage. De notre point de vue, ce qui est ennuyant est formidable – et Hydro One incarne parfaitement cet idéal. Par le passé, Hydro One a flirté avec l’idée d’une expansion aux États-Unis. Cela dit, depuis plusieurs années, elle s’est recentrée sur l’Ontario, en priorisant la croissance des tarifs de base, les acquisitions ciblées, ainsi que la fiabilité et la sécurité de son réseau.

Chris, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, et nous parler de la stratégie de Hydro One et de ses perspectives de croissance?

 

Chris Lopez : Absolument, Sue. Ce qui est ennuyant est formidable – j’adore! Comme comptable et cadre en finance, nous jouons plusieurs rôles pour nos parties prenantes. Cela dit, sur le plan financier, nous sommes assez ennuyeux et privilégions la simplicité. Espérons d’ailleurs que nous ne revivrons pas ce qui s’est passé en 2018 – qui, en passant, n’était pas d’ordre financier, mais plutôt politique. Sur le plan stratégique, quelles sont nos priorités? Comme vous l’avez dit, nos activités en Ontario retiennent toute notre attention. Nous ne voulons pas étendre nos activités ailleurs – même si, de temps à autre, on nous sollicite à ce sujet. Quoiqu’il en soit, nous restons à l’affût des développements dans le secteur en Amérique du Nord. Pas du point de vue des investissements, mais plutôt des technologies. Comme je l’ai dit, toutes nos activités de transport et de distribution de l’électricité se concentrent en Ontario. De plus, nos tarifs sont entièrement réglementés – du moins à 99 %. Cela ne changera pas dans un avenir prévisible. S&P applique un critère de démarcation, c’est-à-dire moins de 10 %, et nous en tenons compte. Concrètement, 90 % de notre flux de trésorerie doivent provenir du transport et de la distribution de l’électricité, deux activités qui sont réglementées. Jamais nous n’atteindrons ce seuil de 10 %. Le 1 % qui reste renvoie à une petite entreprise, appelée Acronym, qui nous appartient. Une entreprise de télécommunications dont nous avons besoin pour fournir des services entourant le transport d’électricité. Donc, quelle est notre stratégie? Elle est axée sur l’Ontario, sur nos clients et sur la stimulation de la croissance économique grâce au transport et à la distribution d’électricité dans la province. Cette stratégie ne changera pas. Nous n’allons pas nous en écarter. Elle nous permet aussi de rester en phase avec le gouvernement de l’Ontario. Si nous nous sommes retrouvés dans une situation difficile en 2018, c’est en partie parce que nous avons perdu ce lien. Nous nous concentrons maintenant sur les politiques de l’Ontario, sur ce qui est bon pour la province et le secteur de l’électricité, et sur la manière de concilier ces deux éléments le plus efficacement possible. Cette stratégie est avantageuse pour Hydro One, comme pour tous les Ontariens et nos clients. Rappelons que notre réseau de distribution fournit de l’électricité à 1,5 million de clients. Quant à notre réseau de transport, il nous permet d’approvisionner tous les Ontariens par le truchement d’intermédiaires. Ça représente 1 500 emplois directs et de plus de 14 millions d’emplois indirects.

Sue McNamara : Impressionnant. Parlons maintenant un peu de financement durable. En janvier, Hydro One a émis pour plus d’un milliard de dollars d’obligations durables dans le cadre de sa nouvelle structure à cet effet. Le produit de ces obligations durables permet de financer une combinaison de projets verts et sociaux. Chez Beutel Goodman, nous suivons un processus rigoureux pour évaluer les obligations labellisées, et nous nous efforçons de respecter les principes de l’ICMA (International Capital Markets Association) pour les obligations durables en ce qui concerne l’utilisation du produit, la production de rapports et la vérification. Nous considérons aussi d’un bon œil le fait qu’une entreprise sollicite un avis indépendant sur un cadre de ce genre, ce que vous avez fait. Voyons de plus près votre cadre d’obligations durables, en commençant par ses ambitions environnementales.

Quels sont certains des projets que vous envisagez de financer?

 

Chris Lopez : Bien sûr. Nous l’appelons « cadre de financement durable » parce qu’il englobe des projets verts et sociaux, comme vous venez de le dire. Je vais commencer par le volet vert, qui est le plus important. Ce que nous voulons, c’est faciliter la transition énergétique en Ontario en tirant parti des infrastructures de distribution et de transport d’électricité. En Ontario, ce qu’on appelle le complexe énergétique – ou électrique – est aujourd’hui décarboné à plus de 90 %. Il produit l’électricité qui va dans le réseau. Même si ce complexe prend de l’expansion, ses émissions de GES devraient rester au même niveau. Elles pourraient fluctuer quelque peu pendant la transition. Cela dit, nous prévoyons qu’il demeurera décarboné à plus de 90 % à long terme. Qu’est-ce que ça signifie? Que la transition énergétique est possible en Ontario. L’électricité ne représente aujourd’hui que 16 % de l’énergie produite en Ontario. L’objectif, c’est d’atteindre environ 50 %. Il faudra donc remplacer d’une manière ou d’une autre certaines sources, comme le gaz naturel et les combustibles liquides. Voilà ce que nous voulons faire. Nous continuerons donc à nous concentrer sur cet objectif. Par ailleurs, notre cadre est entièrement aligné sur les objectifs de développement durable des Nations Unies.

Notre repère clé est issu de la taxonomie européenne, qui prévoit moins de 100 grammes d’émissions de CO2 par kilowattheure. Depuis cinq ans, l’Ontario se situe à 24,6. Même si ce nombre fluctue un peu, ça représente environ un quart des émissions prescrites par la taxonomie de l’UE. Par conséquent, l’Ontario resta toujours en conformité avec cette dernière. En quoi consistent les projets verts? Ce sont des projets liés à l’énergie propre, à l’efficacité énergétique, aux transports propres, à la protection de la biodiversité, aux changements climatiques et à l’adaptation à ceux-ci – un domaine qui, d’ailleurs, ne cesse qui prendre de l’ampleur. Voilà pour le côté vert. La majorité de nos obligations devraient être admissibles à ce volet du programme dans un avenir pas si lointain. Il s’agit de tout investissement ciblant le bouquet énergétique à faible teneur en carbone de l’Ontario. Quelles sont actuellement nos priorités? Nous réinvestissons dans le réseau, notamment pour l’étendre. C’est d’ailleurs à ça que serviront la majorité des investissements verts. Je peux aussi parler du volet social, ou peut-être avez-vous une autre question?

Sue McNamara : Non. Parlez-nous du volet social. C’est vraiment un des attributs distinctifs du cadre de financement durable, je pense. En fait, le volet social du cadre de financement de Hydro One priorise l’obtention de contrats auprès d’entreprises autochtones, ainsi que l’expansion de ses infrastructures dans les communautés reculées.

Vous avez aussi une politique concernant les relations avec les Autochtones, que l’on peut consulter sur votre site Web. Votre société soutient également la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Vous pouvez peut-être nous en dire plus à ce sujet.

 

Chris Lopez : Absolument. Le cadre comporte aussi d’autres catégories d’investissement. Dans les projets sociaux, il y a aussi la promotion économique et sociale des peuples autochtones. La majorité des projets sociaux seront de cette nature. Il s’agit d’un véritable engagement de notre part : nous entendons consacrer plus de 5 % de nos dépenses en approvisionnement auprès des Premières Nations. Cette cible sera appelée à changer au fil de l’évolution du programme. Le deuxième domaine, c’est l’accès aux services essentiels, par exemple au réseau électrique, dans les communautés mal desservies. On parle ici des Premières Nations, mais aussi des régions isolées de l’Ontario. C’est la même chose pour l’Internet à large bande haute vitesse. Ce volet vise donc les Autochtones et aussi les communautés dont les services présentent une fiabilité inférieure aux services équivalents en milieu urbain. Ce sont là les grandes lignes. C’est un programme unique, comme vous l’avez dit, avec deux facettes qui ciblent les Autochtones. La première, c’est notre engagement à dépenser les montants que je viens de mentionner. L’autre concerne nos partenariats avec les Premières Nations. Si on construit une nouvelle ligne de transport, nous allons en financer la moitié.

Mais nous allons plus loin. Nous prenons en charge certaines dépenses parce que les infrastructures sont construites sur des sites reculés, et que les communautés des Premières Nations s’occupent de leur entretien, par exemple en gérant la végétation ou en abattant des arbres. C’est ce qui se passe dans les endroits éloignés. Nous investissions avec eux sur une période de trois à cinq ans, le temps d’avoir les compétences nécessaires à l’échelle locale. C’est donc de cette manière que nous affectons les dépenses en approvisionnement. Le plus grand avantage de ce partenariat avec les Premières Nations – et je serais heureux de m’étendre un peu plus sur ce point – concerne la croissance.

Sue McNamara : Bien sûr, continuez.

Chris Lopez : D’accord. Douze grandes lignes de transport ont été approuvées au cours des six dernières années. Une ligne va de Fortis vers l’extrême nord, et une autre s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre NextEra et Enbridge, appelé NextBridge, dans la région juste au-dessus du lac Supérieur. Quand nous avons étudié ces dossiers, nous nous sommes demandé quel est le rôle d’Hydro One dans la province. Est-ce que nous voulons mobiliser les Premières Nations? Nous avons tissé des liens solides dans le sud de la province. Il faut aller encore plus loin et voir comment nous pouvons faire avancer la réconciliation. Après un examen approfondi de la question, nous avons établi les deux objectifs dont nous avons parlé, l’un concernant l’approvisionnement et l’autre, les investissements. Nous en sommes venus à la conclusion suivante : il est impossible de construire un réseau étendu d’infrastructures au Canada, et peut-être même en Amérique du Nord, sans la participation des Premières Nations. Vous avez parlé de réconciliation et des traités en vigueur au Canada. C’est une situation unique ici. Ça renvoie à l’autodétermination et à la capacité à s’exprimer d’égal à égal.

C’est dans cette logique que nous avons voulu assumer 50 % des coûts associés aux infrastructures se trouvant sur leurs territoires. Selon nous, 50 %, c’était une offre honnête – c’est d’ailleurs ce à quoi s’attendaient les Premières Nations. Cette façon de faire répond à leur besoin d’autodétermination. Elles veulent avoir leur mot à dire sur ces infrastructures, la façon dont ces dernières sont construites et entretenues, et la façon dont le terrain sera entretenu pendant leur durée de vie utile. Auparavant, les entreprises, dont Hydro One, offraient moins de 50 % (peut-être 20 % ou 30 %), ou encore des actions. Ce n’est pas ce que les Premières Nations veulent. Une fois que nous avons haussé notre participation à 50 %, ça a vraiment accéléré les choses dans la province. Il y a de bons exemples de projets. Waasigan est le plus important d’entre eux. C’est un projet de 1,2 milliard de dollars dans l’extrême nord-ouest de la province. Ça va stimuler les investissements dans le Cercle de feu. C’est un partenariat avec neuf Premières Nations, qui peuvent ainsi investir elles aussi dans les projets. Les projets génèrent une dette, mais elles constituent également un investissement pour les Premières Nations. Leur participation est financée à peu près au même coût que la dette de Hydro One. Si elles ne sont plus en mesure de payer, nous reprendrons le projet. Ce n’est pas du tout notre intention, mais c’est ce qui se passerait dans ce cas. Elles pourront donc financer la composante capitaux propres avec un coût de la dette proche du nôtre – disons 4 %. En contrepartie, elles pourront obtenir un rendement d’environ 9 %. Cet écart de 5 % favorise le développement des infrastructures sur les territoires des Premières Nations dans le Grand Nord. Cette disposition enchante la province de l’Ontario, tout comme le gouvernement fédéral. Ça nous permet de réaliser des projets de plus en plus rapidement. Waasigan est donc un exemple intéressant. L’autre projet, c’est celui de la ligne reliant Chatham à Lakeshore, au sud de la province. Nous avons pu construire cette ligne, qui entrera en service à la fin de l’année 2024. Ce projet de 253 millions de dollars est plus petit, mais la ligne traverse une région très peuplée. Nous aurons terminé cette ligne un an plus tôt que prévu, et avec un budget réduit de 5 %. En période d’inflation élevée, la construction coûte cher. Cela dit, Hydro One a su bien manœuvrer les choses, et la construction s’est faite plus rapidement et à moindre coût que prévu.

Et c’est en grande partie grâce à ce partenariat avec les Premières Nations. Comme pour Waasigan, nous avons fait face à une certaine résistance initiale de la part de « Neighbors on the Line », un petit groupe de résidents assez aisés. Ces personnes ont dit qu’elles ne voulaient pas une ligne aussi proche de leur propriété. Nous avons donc voulu demander aux Premières Nations, à titre de gardiennes du territoire, de valider le tracé. Elles ont ainsi pu montrer que les autres tracés auraient causé plus de répercussions négatives, au fil du temps, sur le territoire et sur la faune, notamment. Le fait de considérer les Premières Nations comme de véritables partenaires, c’est la bonne chose à faire, notamment sur plan économique.

 Sue McNamara : C’est un point de vue intéressant. J’espère que tous vos nouveaux projets de lignes de transport réalisés en partenariat seront couronnés de succès. Passons aux questions réglementaires. Comme nos collègues de l’équipe des actions, nous pensons que le flux de trésorerie est un paramètre crucial. Dans le cas de Hydro One, c’est l’environnement réglementaire qui assure la stabilité de son flux de trésorerie. Vous avez réussi à faire approuver, par la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO), la requête conjointe relative aux tarifs. Ces tarifs couvrent le transport et la distribution de l’électricité, deux secteurs d’activité autrefois séparés, mais maintenant regroupés sous une même structure. En ce qui concerne les détenteurs d’obligations, nous pensons que ce pacte réglementaire garantit non seulement que les contribuables paieront des tarifs justes et raisonnables, mais aussi – et c’est un élément qui retient un peu moins l’attention –, que les sociétés de services publics demeureront dans une posture financière saine, ce qui renforcera leur statut de valeur refuge sur le marché obligataire.

Pour nos investisseurs, pouvez-vous nous donner des précisions sur la requête conjointe relative aux tarifs, ainsi que sur votre plan d’investissement sur cinq ans?

 

Chris Lopez : Bien sûr. On me pose très souvent la question. Il s’agit d’une requête conjointe concernant à la fois les tarifs de distribution et de transport de l’électricité. Avant, les échéances pour la réévaluation des tarifs de distribution et de transport ne coïncidaient pas. Les coûts communs aux deux activités étaient donc réévalués deux fois sur une même période, et la décision pouvait être différente dans les deux cas, ce qui pouvait être défavorable pour la société. La CEO a donc décidé de réévaluer tout en même temps, et ça fait vraiment notre affaire. Ça apporte une certitude – à nous comme aux détenteurs d’obligations – pendant cinq ans. Ça nous permet aussi de gérer plus facilement les coûts de la société, les coûts partagés et les coûts de chaque secteur d’activité sur cinq ans, ce qui est un élément important pour l’organisme de réglementation par rapport à ce qu’on appelle la méthode de tarification incitative. On nous incite donc à faire mieux, auquel cas les contribuables en profiteront au cours de la période tarifaire si nous gagnons plus de 100 points de base de plus que le rendement des capitaux propres autorisé, et par la suite si les tarifs sont maintenus. Je vais m’attarder un peu sur cette requête, et sur notre relation avec la CEO.

En quoi consiste exactement la requête conjointe relative aux tarifs? Vous avez raison, Sue. Elle vise les tarifs de transport et de distribution de l’électricité pour les cinq prochaines années. Principalement de l’entretien du système. Environ 70 % à 80 % des investissements sont consacrés à l’entretien, et environ 20 % à la croissance. Comment évalue-t-on cette croissance? C’est la croissance présumée au moment de la soumission de la requête. Il peut s’agir d’une croissance qui surviendra après la soumission, ou découlant d’un changement de politique de la part du gouvernement. Un bon exemple, c’est la construction d’une nouvelle ligne de transport. Les partenariats auront de toute façon leur propre licence – ils ne font pas partie de la requête. Pourquoi est-ce important? C’est une nouveauté que la CEO et Hydro One ont introduite dans cette requête. Auparavant, nous avions une enveloppe prédéfinie. Si une occasion de croissance se présentait, il fallait réduire nos dépenses d’entretien pour pouvoir la financer. Ça fonctionnait comme ça. Aujourd’hui, ce sont deux choses distinctes. Dans la mesure où la croissance est prévue, elle est approuvée dans le cadre de ce processus. Si elle est imprévue, elle n’en fait pas partie. Nous pouvons donc entretenir le système selon les paramètres prévisibles au moment du dépôt de la requête. Pourquoi avons-nous fait ce choix? Avec la transition énergétique qui s’en vient, nous savons qu’autrement, il nous faudrait faire un compromis sur l’entretien pour réaliser les investissements qui s’imposent et procurer les résultats attendus.

C’est donc une innovation. Nous pouvons ainsi avoir une croissance de base de 6 %. Alors qu’avant, c’était 4,5 % ou 5 %. Nous sommes maintenant à 6 %. Il y a donc eu une augmentation des investissements, ainsi que des bénéfices et du dividende, à hauteur de 6 %. La croissance de notre dividende a été de 6 % cette année. Tout ça prend appui sur notre structure de capital, qui se compose à 60 % de dettes et à 40 % de fonds propres. Nous ne toucherons pas à cette répartition. Elle est coulée dans le béton. Ce portrait exclut les autres éléments se rapportant à la croissance dont j’ai parlé plus tôt, Sue. Quand nous soumettons un projet, comme Waasigan – nous l’avons fait récemment – nous ne revoyons pas nos prévisions. Nous ne faisons qu’établir les coûts. Ensuite, quand le projet est approuvé, si sa réalisation a une incidence sur nos prévisions, nous les mettons à jour. Nous avons dit sans détour que ça ne changera pas la fourchette actuelle de 5 % à 7 %. Ça nous rapproche des 7 %, sans les dépasser. Voilà donc pour la requête conjointe relative aux tarifs. Nous sommes très satisfaits du résultat. J’ajouterais – pour enchaîner sur notre relation avec la CEO – que c’est ce à quoi nous pouvons nous attendre à l’avenir.

Par le passé, la CEO a pris certaines décisions avec lesquelles nous n’étions pas d’accord, la plus connue étant sans doute celle concernant les actifs d’impôts différés. Brièvement, ça remonte à l’époque où Hydro One est devenue une société ouverte. Lors du PAPE, les actionnaires ont payé un impôt de départ totalisant environ 2,4 milliards de dollars. Et selon le cadre réglementaire applicable, les bénéfices doivent suivre les coûts. Si un investisseur a payé pour quelque chose, il doit pouvoir en tirer profit. C’était une mauvaise décision qui visait à redonner une partie de ces bénéfices aux contribuables. Pour faire casser cette décision, nous nous sommes rendus jusqu’au plus haut tribunal de l’Ontario, et nous avons gagné. Cet argent a été reversé à Hydro One. C’est ce genre de décisions qui peuvent être prises. Ce qu’il faut retenir, c’est que le processus réglementaire a permis de trancher ce différend. Nous avons suivi le processus du début à la fin. Il y avait des centaines de millions de dollars en jeu, soit dit en passant. Mais, je pense qu’on a pris la bonne décision. Le résultat était positif pour les détenteurs d’obligations, les actionnaires et l’ensemble des parties prenantes. Qu’est-ce que je peux dire de plus à propos de la CEO? Notre relation avec elle est très constructive. Le traitement de la requête conjointe relative aux tarifs l’illustre bien.

Cette requête a été acceptée. Il n’y a pas eu d’audience. C’était le premier règlement de cette ampleur : 18 milliards de dollars sur cinq ans, soit environ 5 milliards de dollars en coûts d’exploitation, d’entretien et d’administration, et 13 milliards de dollars en dépenses en immobilisations. Tout au long du processus, il y a eu une flambée de l’inflation. Tout le monde sait de quoi je parle. Nous avons soumis la requête en 2021. Au début de 2022, l’inflation était beaucoup plus élevée que nous l’avions prévu. Nous avons retiré la requête pour y mettre à jour les données en fonction des facteurs d’inflation. C’est passé de 17 à 18 milliards de dollars. La CEO n’était pas contente, mais ça nous a montré la solidité de notre relation. Quand nous avons fait la demande de règlement, elle a été approuvée intégralement. À notre décharge, Sue, le jour précédant le début du processus de règlement, Janet Yellen, la secrétaire au Trésor des États-Unis, a déclaré devant le Congrès que l’inflation ne pouvait pas rester à ce niveau. Ce que je veux dire, c’est que si Janet ne le voyait pas, comment aurions-nous pu nous-mêmes le prévoir? Donc, nous nous en sommes bien tirés. La requête a été approuvée sans problème.

Au début de l’année, S&P a pris des mesures à l’égard d’un petit groupe de sociétés de distribution locales en Ontario. On invoquait un retard réglementaire. Il n’y a pas vraiment de retard réglementaire en Ontario. Le point qu’on a soulevé, c’était plutôt que, comme les tarifs avaient été fixés, ces sociétés n’avaient pas la marge de manœuvre nécessaire pour recouvrer pleinement, par exemple, le coût des intrants. Et un de ces coûts, c’est le transport. Tout s’est passé assez rapidement. Le ministère m’a appelé pour me demander si c’était vrai. J’ai dit qu’en toute honnêteté, je pensais que c’était faux et que le problème pouvait être résolu assez facilement avec la CEO, l’organisme de réglementation. De concert avec la CEO et le ministère, nous avons revu les modalités d’approbation des tarifs. Maintenant, les tarifs de transport sont approuvés quelques mois avant ceux de distribution. Nous pouvons donc en tenir compte quand nous évaluons les tarifs de distribution, pour obtenir un recouvrement complet en cours d’année. Ce problème a donc été réglé. Et S&P a reconnu que la situation a été redressée promptement. Ça représente bien la relation étroite que nous entretenons avec la CEO.

La planification tarifaire sur cinq ans, c’est de l’histoire ancienne. Maintenant, j’aimerais parler de ce que l’avenir nous réserve.

Selon nous, quand nous devrons opérer la transition énergétique, la croissance aura déjà repris. Nous voyons déjà des signes. Nous avons parlé un peu de l’intervention de S&P et des indicateurs de crédit, entre autres, et j’ai dit que nous pouvions améliorer la situation puisque le problème n’en était pas vraiment un. En période de forte croissance, il faut moduler ou améliorer les infrastructures pour suivre le rythme. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement? Avec un ratio de 60/40, une société de services publics peut avoir une cote de A tout en maintenant un taux de croissance de 4 % à 6 %. Nous commençons à dépasser ce seuil – nous avons un bilan très solide, donc pas de problème. Mais ce n’est pas le cas pour des sociétés de distribution locales. Si elles ont un taux de croissance de 8 % ou 9 %, voire de 10 % et plus, elles doivent devoir revoir leur allocation de fonds propres, ou prévoir une certaine forme de rendement sur les projets. Pour maintenir un taux de croissance de 10 %, il faut pouvoir compter sur plus que des revenus d’intérêts pendant la réalisation des projets. Pourquoi? À cause de la structure de capital, comportant 60 % de dettes. Plus précisément, 56 % de dettes à long terme, qui sont intégrées à la base tarifaire, et de 4 % d’actifs en construction. Des actifs en cours de construction qui sont en pleine croissance. Notre taux de croissance est passé de 4 % à 8 % – et ce n’est pas fini. Nous en parlons en ce moment avec la CEO. Elle fait preuve d’ouverture sur ce point. Personne ne cherche à forcer les choses. Nous avons tout le temps de régler cette question. Nous avons dit : « Prenez le temps de régler ça. Vous avez notre entière collaboration. » Nous n’en avons pas besoin pour les cinq prochaines années, mais ça pourrait servir à d’autres. Est-ce que ça peut être une mesure transitoire? Je ne pense pas que ça restera en place éternellement; ça pourrait s’avérer utile pendant les 10 ou 15 prochaines années.

J’aimerais préciser deux ou trois petites choses à propos de la formule de rendement des capitaux propres. Quand un organisme de réglementation fait quelque chose de bien, d’autres emboîtent le pas. Je pense par exemple à l’Alberta Utilities Commission. Cet organisme a repris la méthode de calcul du rendement des capitaux pour l’Alberta. Les chiffres sont presque les mêmes. C’est actuellement dans le bas de la fourchette des 9 %. À la seule différence qu’il faut actualiser le rendement des capitaux propres chaque année. On peut le voir comme une bonne ou une mauvaise chose.

C’est une bonne chose selon moi, parce que ça permet de suivre l’évolution des taux d’intérêt. Ça permet aussi de travailler en termes réels. En ce qui nous concerne, les tarifs sont fixés pour cinq ans. C’est la seule différence que je vois. Récemment, on nous a demandé de faire l’acquisition d’une petite société de distribution locale. Une société probablement à la portée de monsieur et madame Tout-le-Monde – surtout les personnes qui ont une propriété à Toronto. Le prix : environ 2 millions de dollars. Une petite société, donc, avec 1 200 clients. L’important, c’est que cette acquisition renforce notre crédibilité auprès de la CEO, qui avait besoin que quelqu’un remette cette petite société en état et poursuive son exploitation. La CEO a donc fait appel à nous. Nous venons d’ailleurs tout juste d’annoncer l’entente d’acquisition. C’est à petite échelle, oui, mais ce genre de dossier témoigne de notre excellente collaboration avec la CEO.

Sue McNamara : Merci pour cette éclairante explication. Passons au sujet suivant. À cette période moins réjouissante, lors de l’avant-dernière élection provinciale, à laquelle nous avons d’ailleurs fait référence tout à l’heure. Hydro One a alors fait les manchettes. C’était un enjeu central de l’élection, même. On a dû effectuer plusieurs changements au sein de la direction. Ça a abouti à l’adoption de la Loi sur la responsabilisation de Hydro One, dont certaines dispositions concernant la rémunération des cadres supérieurs sont d’ailleurs devenues caduques cette année. Cela dit, les détenteurs d’obligations souhaitent avant tout que Hydro One puisse fonctionner de manière autonome, sans ingérence de la part du gouvernement provincial. Je dirais que c’est sûrement aussi une priorité pour les détenteurs d’actions. À ce que je comprends, les relations avec le gouvernement provincial se sont améliorées.

Pouvez-vous développer un peu là-dessus?

 

Chris Lopez : Bien sûr. Comme vous l’avez dit, les détenteurs d’actions et d’obligations ont des intérêts convergents. C’est vrai, Sue, ne serait-ce qu’au plan du niveau de risque. Hydro One est une société unique dans un environnement unique, en ce sens qu’elle présente un risque extrêmement faible et que cet avantage attire autant les détenteurs d’obligations que les détenteurs d’actions. J’ai peut-être omis de le dire auparavant. En fait, dans de nombreux cas, les sociétés d’investissement choisissent nos obligations et nos actions pour les mêmes raisons. Croyez-le ou non, avant que nous établissions le cadre de financement durable, les détenteurs d’obligations – qui étaient des investisseurs beaucoup plus avisés, et qui pouvaient acheter et vendre des titres obligataires de Hydro One – considéraient déjà, dans leurs transactions, les obligations de Hydro One comme durables. Pas les détenteurs d’actions. Mais, une fois le cadre de financement durable en place, ils ont pu s’y référer et parler de placement durable. Nos actions ont désormais leur place dans un fonds d’actions durables. Ça change tout. Pour les obligations, ça n’a pas changé grand-chose – trois à quatre points de moins sur le taux de financement.

Parlons maintenant du gouvernement provincial. D’abord, gardons à l’esprit que tout le monde a les mêmes priorités. Ce que nous a vraiment appris 2018, c’est que la propriété n’est pas l’enjeu fondamental. Le gouvernement détient 47 % de Hydro One. Nous l’avons vu en Nouvelle-Écosse. Le gouvernement n’a aucune participation, mais il peut tout de même exercer une influence importante sur les résultats réglementaires, la stabilité de l’entreprise et son profil de risque. Par ailleurs, il faut être au fait de la politique des partis – celui qui est au pouvoir, mais aussi ceux qui voudraient y accéder. Mais, nous devons aussi garder le cap sur nos objectifs. En Ontario, on est ouverts aux affaires et on souhaite stimuler le développement économique – ça, c’est la visée générale. Rappelons que le gouvernement provincial, quand il est arrivé au pouvoir, ne faisait pas de l’environnement ou de la décarbonation une priorité. Dans les hautes sphères, on a compris assez rapidement que le fait d’attirer de nouveaux investissements dans la province est très avantageux, sans compter que les activités des entreprises qui se branchent au réseau électrique de l’Ontario sont instantanément décarbonées à 100 % ou à 90 %. Les dirigeants ont eu cette prise de conscience. J’aimerais insister sur une chose : la priorité du gouvernement, c’est d’alimenter en énergie l’économie de l’Ontario. Si le critère environnemental est logique, on va l’utiliser. C’est là que nous intervenons. Nous avons donc aligné sur ces politiques nos investissements, la manière dont nous soutenons nos clients et tous nos indicateurs clés. J’ai parlé du gouvernement provincial, mais ça vaut aussi pour le gouvernement fédéral. C’est le Parti libéral qui forme actuellement le gouvernement fédéral. Ce parti est plutôt à gauche. Quant au gouvernement de l’Ontario, il penche plutôt à droite et souhaite stimuler l’économie, mais tout en favorisant l’économie verte. Au fédéral, c’est une question idéologique, et au provincial, une question économique. Les deux visions fonctionnent en synergie. Nous rencontrons des ministres fédéraux, des ministres provinciaux et des sous-ministres. Je vais d’ailleurs avoir des rencontres à Ottawa la semaine prochaine, mardi et mercredi. Nous voulons rester sur la même longueur d’onde. C’est pourquoi nous sommes en mesure d’obtenir l’approbation pour ces neuf ou dix lignes de transport, et de les mettre en place rapidement pour nous préparer à accueillir certains projets dans la province, comme l’arrivée de Volkswagen et de Stellantis. Nous participons aux discussions avec l’équipe de l’Ontario et allons brancher rapidement ces entreprises au réseau. Ça nous donne de la crédibilité comme partenaire aux yeux du gouvernement. C’est ce que nous faisons. Nous travaillons à tous les niveaux. Nous pensons avoir en main tout ce qu’il faut pour réussir. Nous voulons cultiver ces relations, non seulement avec les dirigeants actuels, mais aussi avec les personnes qui pourraient leur succéder. Nous voulons que la démarche reste cohérente.

Sue McNamara : Je comprends. Parlons un peu de la transition énergétique. Quand je pense à notre objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et aux efforts nécessaires pour y arriver, en particulier dans le secteur de l’électricité, je me dis que ça va nécessiter des investissements considérables et qu’il faudra changer la manière dont nous utilisons l’électricité. Si nos véhicules électriques se rechargent la nuit, que nous remplaçons le gaz naturel par l’électricité, que les maisons fonctionnent à l’électricité plutôt qu’au gaz naturel, ça augmentera la demande et ça changera les heures de pointe. En fait, il n’y aura probablement plus d’heures de pointe, parce que nous allons utiliser de l’électricité en permanence. Une des préoccupations – pas nécessairement maintenant, mais ça viendra –, ce sont tous les investissements qu’en toute logique, vous devrez vraisemblablement faire pour développer le réseau. Comment gérer ce choc tarifaire pour les consommateurs? Nous l’avons vu en Nouvelle-Écosse – vous l’avez mentionné –, et certains problèmes de cet ordre se posent en Alberta. Comment gérez-vous ce choc tarifaire? Je pense que vous devez collaborer avec l’organisme de réglementation et le gouvernement, pour ne pas laisser les consommateurs en plan. Quoiqu’il en soit, il y aura un coût.

Chris Lopez : On ne pourra pas geler les tarifs. Comme vous le dites, il y aura un coût. Je le reconnais. Si on regarde la situation actuelle et là où nous voulons arriver en 2050, je crois qu’on pourra décarboner nos activités tout en faisant en sorte que ce coût, ou plutôt le pourcentage du revenu consacré au portefeuille énergétique, reste à peu près le même. Nous pourrions donc nous retrouver dans une situation favorable d’ici 2050. Mettez ensemble votre facture d’électricité, votre facture de gaz et votre facture de combustibles liquides. Une plus grande proportion de votre budget ira pour l’électricité, et une plus petite pour les combustibles liquides et le gaz naturel. Mais, au bout du compte, vous allez améliorer votre empreinte carbone. Voilà pourquoi nous pensons que la transition peut être opérée à peu près au même coût. Tout ça, c’est bien beau, mais comment nous rendre là? Le défi est là, parce qu’il y aura deux systèmes parallèles. On peut avoir une idée du système qu’on veut avoir au bout du processus, mais d’ici à ce que ce système se concrétise, il va y avoir deux systèmes pendant les 15, 20 ou 25 prochaines années. C’est ça le défi, Sue, et nous travaillons activement avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour établir une stratégie.

Il faudra du soutien, sous quelque forme que ce soit. C’est incontournable. Nous avons la chance, en Ontario, d’avoir un mécanisme appelé protection des tarifs des distributeurs. En gros, pour les clients résidentiels, la hausse des tarifs ne peut dépasser le taux d’inflation. Toute augmentation supplémentaire vient automatiquement gonfler l’assiette fiscale de l’Ontario. Cela dit, malgré l’application de ce mécanisme, votre facture sera quand même beaucoup plus élevée. Nous devons donc toujours avoir une longueur d’avance et bien faire comprendre au gouvernement la direction que nous prenons. Vous avez raison, ce n’est pas pour tout de suite. On parle plutôt des années 2030. L’impact restera plutôt modeste d’ici là. Pour ce qui est de Hydro One, le transport représente 7 % de la facture. En comptant la distribution, on est à environ 30 % de la facture. C’est une petite part. Pour les cinq prochaines années, l’augmentation de nos tarifs restera en deçà de l’inflation, mais dans la fourchette de 1 % à 3 %. Voilà pour nous. Pour la production d’énergie, les choses pourraient arriver plus vite. L’autre point, c’est que selon moi l’Ontario est dans une posture plus avantageuse parce que nous avons déjà décarboné le réseau. Ailleurs, ça reste à faire.

C’est ce qui se passe en Alberta. Même chose en Nouvelle-Écosse et partout aux États-Unis. Le premier choc, l’Ontario l’a subi à la fin des années 2000. Il y a d’abord eu de la résistance, puis une grande partie de cette valeur a été ajoutée à l’assiette fiscale. L’Ontario est passé par là, et ça n’empêche pas que le coût de l’électricité y est parmi les plus bas en Amérique du Nord. Ce coût devrait augmenter considérablement sur le continent pendant cette première phase, en moyenne. Nous suivons donc de près l’évolution de la situation et ce que font les gouvernements. Je le répète : l’Ontario est en excellente posture. Nous nous trouvons dans une situation formidable. Nous pouvons nous concentrer davantage sur les années 2030. Il n’en reste pas moins que nous devrons suivre le rythme. Oui, cette transition aura tout de même un coût.

Sue McNamara : Restons sur le thème des changements climatiques, une réalité qu’on peut difficilement ignorer aujourd’hui. Nous avons connu un des étés les plus chauds jamais enregistrés, au Canada et dans le monde. Les feux de forêt nous ont causé d’importants problèmes. Vous avez mentionné les mesures qu’a prises S&P à l’endroit de Fortis, en partie parce qu’elle estimait que les activités de cette dernière sont exposées au risque que posent les feux de forêt. Tout ça a nui à l’image de l’entreprise.

Dans un contexte de risques climatiques et physiques accrus, comment accroître la résilience et la fiabilité de la ligne de Hydro One?

 

Chris Lopez : Ça nous ramène à ce que nous avons dit tout à l’heure sur le cadre du financement social durable et la capacité d’adaptation. Je pense que l’atténuation des effets des changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci auront une importance plus grande, parce que la carboneutralité est notre objectif commun. Cela dit, même quand nous aurons atteint cet objectif, la fréquence des événements climatiques ira en augmentant. C’est une chose généralement admise. Dans ce contexte, quelle est notre priorité? Il faut d’abord nous demander quels investissements nous pouvons faire pour réduire ces risques. Et ensuite, ce que nous pouvons faire pour réduire les délais de rétablissement de l’électricité en cas de panne. Nous nous servons des technologies pour évaluer la situation et cibler les problèmes. Il y a aussi les batteries de secours. Tout ça n’existait pas avant. Aujourd’hui, nous avons des batteries pour épauler les lignes de distribution, surtout dans les endroits isolés, ce qui nous permet de réduire de moitié la durée des pannes. Par exemple, nous avons des systèmes d’alerte perfectionnés qui nous indiquent où les tempêtes vont frapper. Ça nous permet d’envoyer des camions et du matériel dans ces zones avant la tempête. Quand ça arrive, nous sommes prêts.

Cette nouvelle façon de faire réduit donc les conséquences fâcheuses pour les consommateurs et les clients, et limite les réactions négatives. Les feux de forêt ne s’arrêteront pas. Les personnes qui ont assisté à la conférence annuelle de l’Edison Electric Institute ont vu l’excellent rapport publié par Fitch. Il s’agit d’une étude réalisée aux États-Unis sur les risques de feux de forêt en Amérique du Nord, notamment sur la côte ouest. On passe en revue les incendies d’envergure qui ont eu lieu. Sur la côte est, comme en Ontario et à Chicago, les risques sont très faibles. Ça corrobore notre expérience. Il y en a eu très peu jusqu’à présent. La fréquence – aujourd’hui faible – augmentera. C’est sur cette tendance, en particulier sur la côte ouest, que s’est appuyée S&P pour prendre ses mesures. On l’a fait en raison d’un risque élevé de feux de forêt, un risque n’existe pas sur la côte est, chez nous. Mais, quand ce risque est présent, il faut une politique permettant la fermeture du réseau pour des raisons de sécurité. Nous n’avons pas ce genre de politique simplement parce que nous ne faisons pas face à un risque élevé de feux de forêt. Cette année, le nombre de feux de forêt a été légèrement supérieur à la moyenne ici; mais, à la fin de l’année, nous étions revenus dans la moyenne.

Nous allons continuer de nous concentrer sur la réduction des risques. Nous avons enlevé davantage d’arbres autour de nos lignes. La ligne est mieux protégée en cas de problème. Ici, les feux de forêt ne se répandent pas sur de vastes étendues contrairement à ceux qu’on a vus sur la côte ouest. Il y a deux raisons à ça. Là-bas, il y a soit des zones très vallonneuses, voire montagneuses, où la chaleur, qui monte très rapidement, est inarrêtable, soit des zones désertiques, où le vent ne rencontre aucun obstacle, par exemple en Californie. Ce n’est pas ce que nous avons ici. C’est pourquoi on a pu contenir les feux de forêt sur des superficies plus petites. Ils ne se sont pas propagés autant qu’ailleurs. Cela dit, nous avons quand même déployé des efforts pour sensibiliser nos employés au risque de feux de forêt et aux interventions des services d’urgence, en collaboration avec le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario. Si un feu s’approche de nos lignes, nous aidons les services d’urgence en leur permettant de prendre des pauses, et des choses de ce genre – nous le faisons dans l’intérêt de tous. Le point positif, c’est qu’en Ontario, on peut s’assurer contre les dommages causés par les feux, sous certaines conditions. Ça couvre les bâtiments, les postes et ce qui se trouve dans un rayon de mille mètres. Comment ça se traduit en pratique? Les lignes ne sont pas assurées; mais, si une ligne subit des dégâts, ce n’est pas à cause des feux, mais des tempêtes. Ces coûts sont entièrement récupérables avec les tarifs appliqués aux clients. L’exemple le plus pertinent, c’est le dérécho qui s’est produit à la fin de l’année dernière. La violente tempête qui s’est déplacée jusqu’à Ottawa. Les dommages que nous avons subis ont totalisé environ 100 millions de dollars. Nous allons récupérer ce montant avec les tarifs. C’est une manière de l’amortir sur une longue période, sur toute la durée de vie de l’actif. Cette somme est donc recouvrable, et la CEO approuve le tout lors du traitement de la requête relative aux tarifs. Nous pensons que nous sommes en bonne posture aujourd’hui et que le cadre réglementaire nous est favorable.

Sue McNamara : Nous allons terminer avec une dernière question. Comme détenteurs d’obligations, j’ai parfois l’impression que nous sommes un peu négligés par rapport aux détenteurs d’actions, la plupart des sociétés semblant se concentrer sur la croissance des dividendes et des bénéfices – même si, dans le pire des cas, elles doivent s’endetter pour financer cette croissance. Hydro One, par contre, a de solides relations avec ses détenteurs d’obligations et ses détenteurs d’actions.

Comment faites-vous pour répondre aux besoins de ces deux catégories de parties prenantes, et comment cela se reflète-t-il dans votre plan de répartition des capitaux?

 

Chris Lopez : Pour ce qui est de notre plan de répartition des capitaux, elle se fait fondamentalement de manière automatique. Elle dépend essentiellement des requêtes conjointes relatives aux tarifs et de la construction de nouvelles lignes de transport. Cela dit, nous avons un petit projet pour aider le gouvernement, et qui concerne les infrastructures permettant le déploiement de l’Internet à large bande haute vitesse en milieu rural. Il présente le même profil de rendement et de risque que nos activités de distribution. Il nous suffit d’installer de l’équipement de télécommunication le long de notre ligne de distribution. Pour nous, le risque est le même. Enfin, nous pouvons acheter de petites sociétés de distribution locales. Nous savons comment les intégrer au réseau et dans la base tarifaire unique. Nos activités s’ancrent dans cette base tarifaire unique. Nous avons un seul profil de risque. Ce que je veux dire par là, c’est que nous allons maintenir la structure avec 60 % de dettes et 40 % de fonds propres. C’est clair pour nous. C’est ce que nous disons à nos investisseurs. Cette répartition peut fluctuer à court terme. Pendant la construction des actifs, par exemple – et nous en parlons justement avec la CEO. Mais, une fois les actifs mis en service, la structure 60/40 s’applique. La CEO veut accorder le coût de la dette pendant la construction de l’actif, ce qui fait que la dette augmente un peu. J’ai dit à la CEO qu’elle devrait peut-être donner un peu plus que le coût de la dette pour que ça fonctionne mieux.

Je reviens au fait que les détenteurs d’actions et d’obligations nous choisissent pour les mêmes raisons. Nous avons un seul profil de risque, ce qui s’explique par notre répartition fixe des capitaux. Le tout prend appui sur la base tarifaire unique. Et ça part de la structure imposée par la CEO. Nous ne voulons pas changer ça. C’est une constante. Pour le dire autrement, nous allons tout faire pour conserver notre cote A. La CEO le sait, le gouvernement aussi. Ils sont au fait de ça. Quand S&P est intervenue, comme je l’ai dit, elle nous a immédiatement demandé notre avis. Ça indique leur intention. Pour moi, il n’y a pas d’ambiguïté. Je suis content du fait que nous avons un profil de risque quasi semblable pour nos actions et nos obligations. Et nos projets de construction en Ontario s’inscrivent tout à fait dans ce profil de risque.

Sue McNamara : C’est de la musique à nos oreilles! Étant donné le temps qui nous est imparti, je crois que nous allons conclure l’entrevue sur ces belles paroles. Au risque de trahir mon âge, je me permets de mentionner que je couvre Hydro One depuis sa première émission de titres de créance en 2000. Une relation qui remonte à loin, donc, et qui a toujours été fructueuse. Je pense qu’on devrait même plutôt parler de partenariat. Un grand merci à vous, Chris, qui aujourd’hui nous avez aidés à mieux comprendre le fonctionnement de Hydro One, et les investissements sur le marché obligataire.

Nous tenons également à remercier tous nos spectateurs. Si vous avez des questions, communiquez avec votre représentant Beutel Goodman. Merci beaucoup, et bon vendredi.

Chris Lopez : Merci à vous, Sue.

 

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