Summary
Chez Beutel Goodman, nos partenariats avec les communautés autochtones sont un élément essentiel de nos activités. Dans le présent article, l’équipe des titres à revenu fixe de Beutel Goodman examine le rôle crucial des peuples autochtones dans l’évolution des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au Canada, en particulier en ce qui concerne les grands projets d’infrastructure dans le secteur de l’énergie. L’équipe explore également les occasions importantes de financement autochtone.
Par l’équipe des titres à revenu fixe de Beutel Goodman (au 31 mai 2025)
Reconnaissance du territoire
Chez Beutel Goodman, nous reconnaissons que notre travail se déroule sur les territoires des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’ensemble du Canada, et que la relation durable entre ces peuples et la terre, l’eau et l’air existe depuis des dizaines de milliers d’années. Nous reconnaissons les droits inhérents des peuples autochtones et leurs contributions à la protection et à la préservation des territoires et des eaux, à ce jour et pour les générations à venir. Nous reconnaissons et respectons l’importance des territoires visés par des traités et non cédés, et nous honorons la diversité des connaissances, des cultures, des structures de gouvernance et des histoires des peuples autochtones du Canada.
Le rôle des Autochtones dans l’ESG
Dans le cadre de notre processus d’intégration des critères ESG, nous définissons les risques et les occasions qui pourraient avoir une incidence importante sur les entreprises de nos portefeuilles. Du côté social, l’engagement des parties prenantes auprès des communautés autochtones est un élément important que nous surveillons. Les entreprises qui ne parviennent pas à établir des relations positives avec les peuples autochtones s’exposent à certains risques, dont des atteintes à leur réputation, des interventions réglementaires, des litiges, des retards dans les projets, des augmentations de coûts et des fermetures, qui peuvent entraîner des pertes financières. Du côté des occasions, les projets auxquels des communautés autochtones participent bénéficient souvent d’un processus d’autorisation réglementaire accéléré qui présente un nombre réduit d’obstacles. Au cours des dernières années au Canada, de grands projets d’énergie ont été retardés ou annulés en partie parce que les communautés autochtones n’avaient pas été suffisamment consultées, comme le montrent les exemples ci-dessous.
Projet d’agrandissement TMX
En 2013, Kinder Morgan inc. a demandé à l’Office national de l’énergie (aujourd’hui la Régie de l’énergie du Canada) d’étendre le pipeline Trans Mountain dans le cadre du projet d’agrandissement du réseau Trans Mountain (TMX). L’entreprise, qui n’avait pas consulté les Premières Nations situées le long du tracé du pipeline, s’est heurtée à une opposition féroce et le projet a finalement échoué. Kinder Morgan a vendu le pipeline au gouvernement fédéral canadien à un prix inférieur à son évaluation combinée de l’oléoduc et de son agrandissement. Après la vente, la Cour d’appel fédérale du Canada a jugé que le gouvernement n’avait pas tenu compte des préoccupations de plusieurs Premières Nations qui contestaient le projet et que l’Office national de l’énergie n’avait pas pris en compte les répercussions de l’augmentation du trafic pétrolier découlant du projet.
Enbridge et Northern Gateway
Au milieu des années 2000, le projet d’oléoduc Northern Gateway a été proposé par Enbridge inc. afin d’acheminer le bitume de la région des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’à Kitimat, en Colombie-Britannique, en vue de son exportation vers les marchés internationaux. La majorité des communautés autochtones situées le long du tracé ont appuyé le projet, mais les Premières Nations côtières s’y sont fermement opposées; leurs principales préoccupations concernaient les effets d’un éventuel déversement de pétrole en mer. La Cour d’appel fédérale du Canada a annulé l’approbation que le gouvernement canadien et l’organisme de réglementation avaient donnée au projet sur le fondement que les communautés autochtones concernées n’avaient pas été suffisamment consultées. Le tribunal a renvoyé la décision d’approuver l’oléoduc au nouveau cabinet fédéral (un gouvernement libéral ayant été élu en octobre 2015) pour révision. Celui-ci a par la suite interdit la circulation de pétroliers le long d’une portion de la côte de la Colombie-Britannique qui comprend Kitimat, et Enbridge, qui avait engagé des coûts totalisant 656 M$ pour le projet, a retiré sa proposition d’oléoduc et a souffert d’une atteinte à sa réputation dans la province. L’établissement d’une relation de confiance avec les peuples autochtones prend souvent beaucoup de temps et d’efforts de sorte qu’une entreprise qui rompt une telle relation risque de se trouver en situation de désavantage pendant une longue période.
La consultation des populations autochtones sur les projets est bien plus qu’une pratique exemplaire; elle est enchâssée dans la loi. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) a été adoptée par les Nations Unies en 2007 et appuyée sans réserve par le Canada en 2016. Elle a ensuite été codifiée en droit canadien le 21 juin 2021 avec le projet de loi C-15. La DNUDPA est un instrument international complet qui définit les droits collectifs et individuels des peuples autochtones et joue un rôle crucial dans la promotion de l’autonomisation économique des ces peuples par la reconnaissance de leur droit de prendre part aux processus de prise de décision ayant une incidence sur leur développement économique, leurs territoires et leurs ressources. L’article 32 de la DNUDPA exige que l’État consulte les communautés autochtones de bonne foi avant de mettre en œuvre des lois qui pourraient avoir des répercussions sur elles. L’État doit notamment obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC) des peuples autochtones, qui reconnaît leurs droits de participer aux décisions qui ont une incidence sur eux, leurs communautés et leurs territoires, y compris les décisions liées à l’exploration et à l’extraction des ressources minérales[1].
L’appel à l’action 92 de la Commission de vérité et de réconciliation, publié en 2015, demande aux entreprises canadiennes d’adopter la DNUDPA en tant que cadre de réconciliation et d’appliquer les normes et les principes qui s’y rattachent dans le cadre des politiques organisationnelles et des principales activités opérationnelles touchant les peuples autochtones, leurs territoires et leurs ressources[2].
Lorsque nous nous entretenons avec des entreprises sur des questions autochtones, nous cherchons avant tout à savoir si elles ont obtenu un CPLCC pour l’un ou l’autre de leurs projets, car le risque réside principalement dans cet aspect. Toutefois, il est prudent d’examiner de plus près l’engagement d’une entreprise envers ses parties prenantes autochtones, notamment en posant les questions suivantes :
- L’entreprise dispose-t-elle d’une politique officielle en matière de relations avec les Autochtones[3]?
- L’entreprise dispose-t-elle d’un plan d’action pour la réconciliation avec les Autochtones[4]?
- Dans quelle mesure y a-t-il passation de contrats avec des entreprises autochtones et celle-ci est-elle auditée?
- Quelle est la représentation des Autochtones au sein de la main-d’œuvre et du conseil d’administration?
- L’entreprise offre-t-elle des formations de sensibilisation culturelle?
- L’entreprise cherche-t-elle à être certifiée dans le cadre du programme d’Attestation de partenariat en relation avec les Autochtones (APRA)[5]?
Nous effectuons également une analyse des controverses et nous discutons de nos conclusions avec les entreprises. Par exemple, nous nous sommes entretenus avec TC Energy Corp. au sujet de la manifestation des Wet’suwet’en contre le gazoduc Coastal GasLink et avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada sur la démission de son conseil consultatif autochtone.
Occasion économique pour les Autochtones
Au Canada, presque tous les projets de développement majeurs traversent des territoires autochtones, une tendance qui s’accentue à mesure que le gouvernement cherche à resserrer les liens nationaux sur l’axe est-ouest. Cette réalité pourrait être le début d’une nouvelle voie vers la réconciliation économique avec les Autochtones qui favorise la transformation d’une relation de dépendance coloniale en un partenariat respectueux de l’autonomie et de l’autodétermination grandissantes des Autochtones. La réconciliation économique vise à créer des partenariats significatifs et des occasions mutuellement bénéfiques en fonction d’une approche globale fondée sur les valeurs pour que les communautés atteignent la prospérité économique[6]. L’un des principes fondamentaux de la réconciliation économique consiste à collaborer avec les communautés autochtones sur un projet et à les consulter tout au long du processus afin d’instaurer la confiance. Bien qu’une offre de participation d’au moins 25 % soit le point de départ, la réconciliation économique doit également inclure des possibilités de passation de contrats avec des entreprises autochtones ainsi que des occasions d’emploi et de formation. Une approche collaborative avec les peuples autochtones soutient le concept de « rien sur nous sans nous » et reconnaît la nature distincte et l’expérience vécue des Premières Nations, des Inuits et des Métis[7].
Les possibilités sont nombreuses, qu’il s’agisse d’améliorer les infrastructures dans les réserves ou de mettre en place de nouveaux projets de développement. L’Assemblée des Premières Nations estime qu’il faudra investir 349,2 G$ pour combler les lacunes en matière d’infrastructure[8], notamment en ce qui concerne les services publics, le logement, l’éducation, les transports, les loisirs, les soins de santé, l’accès à l’eau potable et l’accès à Internet. La First Nations Major Projects Coalition (FNMPC) a recensé plus de 470 projets, d’une valeur de 520 à 550 G$, principalement dans des secteurs en bonne santé financière selon des prix réglementés ou des contrats de paiement contre livraison[9]. Selon l’évaluation interne de la FNMPC, environ 50 G$ d’investissement en capitaux propres et en participation autochtones pourraient nécessiter une aide financière[10]. En règle générale, les Premières Nations ne disposent pas de ressources financières propres à elles pour ce type d’investissement, de sorte que la majeure partie de cette somme devra être financée par les banques, des capitaux privés ou les marchés obligataires.
Les peuples autochtones sont propriétaires, en partie ou en totalité, d’environ 165 projets d’énergie et d’infrastructures connexes au Canada. Près de 29 % des partenariats avec participation ont été annoncés au cours des deux dernières années[11]. La figure 1 présente ci-dessous un échantillon des projets en cours.
Figure 1 : Partenariats avec les Premières Nations. Ce tableau présente un sommaire de certains projets d’infrastructure au Canada dont les peuples autochtones sont propriétaires, en partie ou en totalité.
Projet | Secteur | Société commanditaire | Participation autochtone |
Alberta Powerline | Transport d’électricité | ATCO Electric | 40 % – 7 communautés autochtones |
Athabasca Midstream | Oléoducs de sables bitumineux | Enbridge | 11,57 % – 23 communautés de Premières Nations et de Métis |
Projet Cascade Power | Production d’électricité | Kineticor | 6 Premières Nations (pourcentage non communiqué) |
Cedar LNG | Installation de GNL | Pembina | 51 % – Première Nation Haisla |
Ligne à haute tension entre Chatham et Lakeshore | Transport d’électricité | Hydro One | 50 % – 5 Premières Nations |
Gazoduc Coastal GasLink | Pipeline de gaz naturel | TC Energy | 10 % – 16 communautés des Premières Nations |
Parc de stockage Est | Réservoirs de pétrole brut | Suncor | 49 % – 2 communautés des Premières Nations |
Parc éolien Halkirk 2 | Production d’électricité | Capital Power | 25 % – 4 communautés des Premières Nations |
Parc éolien de la Première Nation de Henvey Inlet | Production d’électricité | Pattern Energy | 50 % – Première Nation de Henvey Inlet |
Ksi Lisims LNG | Installation de GNL | Western LNG/Rockies LNG | Majorité – Nation Nisga’a |
Complexe hydroélectrique de la partie inférieure de la rivière Mattagami | Production d’électricité | Ontario Power Generation | 25 % – Première Nation Moose Cree |
Parc solaire Nanticoke | Production d’électricité | Ontario Power Generation | 20 % – 2 communautés des Premières Nations |
Stockage d’énergie en Nouvelle-Écosse | Production d’électricité | Nova Scotia Power | 13 communautés micmaques (pourcentage non communiqué) |
Oneida Energy Storage | Production d’électricité | Northland Power | Environ 30 % – 2 communautés des Premières Nations |
Projet Wataynikaneyap | Transport d’électricité | Fortis | 51 % – 24 communautés des Premières Nations |
Source : Rapports des entreprises
Nous nous attendons à ce que la participation des Autochtones à ces types de projets continue de croître. Des entreprises telles que Hydro One, Hydro-Québec, BC Hydro et Ontario Power Generation ont déclaré qu’elles offriraient un minimum de 25 % de participation aux communautés autochtones touchées par tout nouveau projet de développement qu’elles mettent en œuvre. Le gouvernement fédéral canadien a annoncé qu’il prévoyait de vendre une partie du pipeline Trans Mountain aux communautés autochtones situées le long du tracé avant de procéder à la vente intégrale de l’investissement. L’Alliance nouvelles voies, qui déploie des efforts de décarbonisation pour les producteurs de sables bitumineux, prévoit d’offrir aux communautés autochtones une prise de participation à tous ses projets qui verront le jour (captage et stockage du carbone, pipelines de CO2, stockage du CO2). En mai 2025, Enbridge a annoncé une entente pour vendre à Stonlasec8 Indigenous Alliance LP, un groupe de 36 Premières Nations de la Colombie-Britannique, une participation de 12,5 % dans le réseau de gazoducs Westcoast pour 715 M$[12].
Le projet Cedar LNG, présenté à la figure 2, est un exemple positif de partenariat entre une communauté autochtone et une entreprise visant à faire avancer un projet de transition énergétique.
Figure 2 : Étude de cas – Cedar LNG. Ce graphique résume le projet Cedar LNG en Colombie-Britannique et met l’accent sur son partenariat fructueux avec la communauté autochtone de la région.
Source : Cedarlng
Financement autochtone
Les communautés autochtones sont aux prises avec des problèmes d’accès à des capitaux propres à un coût raisonnable. Des obstacles juridiques présents dans la Loi sur les Indiens limitent les garanties disponibles sur les réserves. Le gouvernement fédéral détient encore le titre de propriété de toutes les terres de réserve des Premières Nations à l’usage et au profit de chaque nation. Ainsi, les communautés autochtones ne peuvent pas vendre leurs terres ni les utiliser comme garantie pour accéder aux capitaux du secteur privé. Les conditions socio-économiques défavorables dans lesquelles vivent les Premières Nations, les Métis et les Inuits peuvent nuire à leur solvabilité et compliquer l’accès au financement et aux capitaux. En 2013, les entreprises des membres des Premières Nations et des Inuits n’ont eu accès qu’à 0,2 % des capitaux disponibles au Canada[13].
Les possibilités d’investissement évoquées précédemment nécessitent un financement, et plusieurs moyens existent pour l’obtenir.
Garanties de prêts des gouvernements fédéral et provinciaux
Les garanties de prêts peuvent contribuer à atténuer les obstacles auxquels se heurtent les Premières Nations, car une réduction des coûts d’emprunt peut favoriser un meilleur rendement. De plus, en associant le crédit de l’État au remboursement du prêt, les garanties peuvent également adoucir la perception du risque lié au projet et aux capitaux propres par les prêteurs.
Le gouvernement du Canada a annoncé, dans le cadre de son budget 2024, qu’il fournira jusqu’à 5 G$ de garanties de prêts pour les Autochtones dans les secteurs des ressources naturelles et de l’énergie. Le premier ministre nouvellement élu, Mark Carney, a ensuite doublé le programme de garanties pour le porter à 10 G$ et l’a ouvert à tous les secteurs. Des garanties de prêts de 20 M$ à 1 G$ seront disponibles. Pour pouvoir bénéficier d’une garantie de prêts pour les Autochtones, les demandeurs doivent être titulaires de droits en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
La Saskatchewan Indigenous Investment Finance Corporation (SIIFC) fournit des garanties de prêts stratégiquement alignées sur les secteurs économiques favorisés par la province : l’agriculture à valeur ajoutée, l’énergie, l’énergie verte et la fabrication. Elle offre des garanties de prêts de 5 M$ à 75 M$ pour les projets admissibles.
Le programme de garanties de prêts pour les Autochtones de l’Ontario a été créé en 2009. Ce programme de 1 G$ a permis d’appuyer la participation des Autochtones à des projets d’infrastructures électriques en Ontario, notamment des infrastructures destinées aux énergies renouvelables et des lignes de transport d’électricité. En 2025, la province a triplé le portefeuille du programme à 3 G$ et a rendu admissibles les projets liés à l’énergie, aux pipelines, à l’exploitation minière et aux minéraux critiques. Le programme relève désormais du Fonds ontarien pour la construction.
L’Alberta Indigenous Opportunities Corporation (AIOC) octroie à la fois des prêts directs et jusqu’à 1 G$ de garanties de prêts. Elle devait à l’origine se concentrer sur les projets d’énergie, mais son mandat a été élargi pour comprendre les projets liés aux ressources naturelles, à l’agriculture et aux télécommunications. En règle générale, elle fournit des garanties de prêts de 20 M$ à 250 M$. Elle contribue également au contrôle diligent des projets, notamment en ce qui concerne leurs aspects juridiques et financiers, leur modélisation et leur structure.
Dans son budget 2024, la Colombie-Britannique a annoncé son intention de créer un cadre de financement par capitaux propres pour les Premières Nations. Le gouvernement a l’intention d’offrir des outils de financement par capitaux propres, dont des garanties de prêt à hauteur de 1 G$ et des mesures de soutien pour les projets.
Notons que d’autres provinces ayant une population autochtone importante ne disposent pas de programme de garantie de prêts, notamment le Manitoba et le Québec.
Autorité financière des Premières Nations
L’Autorité financière des Premières Nations (FNFA) est un organisme à but non lucratif dirigé par des Autochtones et créé en vertu d’une loi fédérale. La FNFA n’agit pas en tant qu’organisme de la Couronne et ne bénéficie pas d’une garantie du gouvernement du Canada. Elle contracte des emprunts à long terme à des taux d’intérêt préférentiels qui reflètent les mécanismes de financement utilisés par les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, et offre ensuite des prêts abordables aux membres des Premières Nations. En date du mois d’avril 2025, les émissions de la FNFA sur les marchés obligataires à long terme s’élevaient à 3,085 G$ alors que ses décaissements sous forme de prêts totalisaient 3,41 G$. La FNFA accorde principalement des prêts aux gouvernements des Premières Nations plutôt qu’aux entreprises ou aux entrepreneurs autochtones. Le programme d’emprunt de la FNFA prend progressivement de l’ampleur à mesure qu’elle octroie des prêts dans le cadre de projets de grande envergure, comme la prise de participation de la Nation Haisla dans l’installation Cedar LNG. Les modifications apportées à la Loi sur la gestion financière des Premières Nations prévoient l’élargissement de l’adhésion aux Premières Nations autonomes, ainsi qu’aux Métis et aux Inuits, ce qui devrait favoriser la croissance du programme de prêt.
Banque de l’infrastructure du Canada
En mars 2021, la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) s’est fixé comme objectif d’investir au moins 1 G$ dans des projets d’infrastructure autochtones générateurs de revenus dans cinq secteurs prioritaires : l’énergie propre, les infrastructures vertes, le transport en commun, l’Internet à haute vitesse ainsi que le commerce et le transport. Le produit du prêt doit être utilisé pour acquérir une participation en capitaux propres dans un projet dans lequel la BIC envisage déjà d’investir.
Autres options
Les Autochtones peuvent sinon se tourner vers les banques pour obtenir un prêt ou les sociétés de capitaux privés, en particulier celles qui ont une expertise dans le secteur, comme Longhouse Capital Partners. Comme nous le décrirons plus en détails ci-dessous, les marchés publics des obligations sont également une source importante de capitaux.
Il pourrait également s’avérer nécessaire de créer une banque de développement autochtone sur un modèle similaire à celui des entités de la Banque mondiale. Une telle banque pourrait offrir un éventail d’options de financement, comme des prêts, des garanties de prêts, des prises de participation et des obligations de projet, tout en ayant une compréhension des besoins, des valeurs et des contextes culturels uniques des communautés autochtones. Elle pourrait alors concevoir et offrir des produits et des services financiers conçus spécifiquement pour répondre à ces besoins.
Ces différentes voies offrent aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits de multiples façons d’accéder à des capitaux pour financer les possibilités d’investissement qui se présentent à eux.
Un rôle pour les investisseurs en titres à revenu fixe
Le marché obligataire s’intéresse de plus en plus à la participation des Autochtones dans les projets, comme en témoigne le nombre de tables rondes organisées dans le cadre de conférences et de webinaires sur le sujet. Outre les obligations de la FNFA, il n’y a qu’un seul financement public autochtone en cours sur les marchés obligataires canadiens. En septembre 2022, Enbridge a vendu une participation hors exploitation de 11,57 % dans sept pipelines de sables bitumineux en Alberta à 23 communautés de Premières Nations et de Métis pour un montant de 1,12 G$. En octobre 2022, Athabasca Indigenous Midstream LP a émis des obligations amortissables pour un montant de 865,246 G$ afin de financer la composante capitaux propres de l’acquisition.
En juillet 2024, TC Energy a annoncé la vente d’une participation de 5,34 % dans les réseaux de pipelines NGTL et Foothills en Alberta à 72 communautés autochtones pour 1 G$. Une émission d’obligations a ensuite été lancée pour financer la composante capitaux propres de l’acquisition, mais elle n’a jamais été conclue. Bien que l’opération n’ait pas été réalisée, un grand intérêt a été manifesté de la part des investisseurs obligataires. Mentionnons également que les 72 communautés de Premières Nations et de Métis liées au projet ne sont pas en cause dans l’échec de l’opération.
Hydro One dispose d’un cadre d’obligations durables selon lequel le produit peut être utilisé pour des projets verts ou sociaux. L’une des utilisations sociales du produit est le développement socio-économique des peuples autochtones. Hydro One prévoit d’atteindre cet objectif en s’approvisionnant auprès de petites et moyennes entreprises contrôlées à au moins 51 % par des Autochtones ou qui ont été désignées comme des entreprises autochtones par un gouvernement autochtone. Son objectif consiste à consacrer chaque année 5 % de ses dépenses d’approvisionnement totales aux entreprises autochtones d’ici 2026, objectif qui a été dépassé en 2024. L’entreprise a émis 1,675 G$ d’obligations durables dans l’application de ce cadre.
La poursuite du développement du marché obligataire autochtone pourrait nécessiter un cadre fondé sur les principes de la finance durable de l’International Capital Market Association (ICMA). Le financement autochtone pourrait s’inscrire dans les lignes directrices de l’ICMA sur les obligations sociales, selon lesquelles le produit doit être utilisé pour des projets nouveaux ou existants ayant des résultats sociaux positifs. Un grand nombre des utilisations du produit recommandées par le principe, notamment pour les infrastructures de base abordables, le logement abordable, des systèmes alimentaires durables, le développement socio-économique et l’autonomisation, correspondent à la façon dont pourrait être utilisé le produit dans le cadre de financements destinés aux Autochtones. Toutefois, ces activités de financement présentent des aspects uniques, notamment le CPLCC et l’harmonisation aux valeurs autochtones comme l’investissement pour sept générations[14], pour lesquels l’élaboration d’un nouveau cadre distinct pourrait être nécessaire. Un tel cadre pourrait également aider à prévenir les incidents de « redwashing »[15].
Cedar Leaf Capital, premier courtier en valeurs mobilières détenu et dirigé par des Autochtones au Canada, a commencé ses activités en 2024. Une partie de sa mission consiste à faire croître la participation des Autochtones aux marchés financiers.
Nous espérons qu’un marché obligataire autochtone robuste se développera au cours des prochaines années et nous sommes impatients de participer à sa croissance au fur et à mesure qu’elle se produira.
[1] Assemblée générale des Nations Unies, « Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones », résolution adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007, A/RES/61/295, (consulté le 30 juin 2023), https://social.desa.un.org/fr/issues/peuples-autochtones/declaration-des-nations-unies-sur-les-droits-des-peuples-autochtones.
[2] Gouvernement du Canada, « Le gouvernement du Canada n’est pas responsable pour l’appel à l’action 92 de la Commission de vérité et réconciliation. » (Août 2021) : https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1524506030545/1557513309443.
[3] Les politiques reconnaissent généralement les droits légaux et constitutionnels des peuples autochtones et engagent l’entreprise à favoriser la réconciliation par le développement responsable et à accroître la représentation des Autochtones au sein de sa main-d’œuvre, de sa direction et de sa chaîne d’approvisionnement.
[4] Les plans d’action pour la réconciliation avec les Autochtones décrivent les mesures précises et définies dans le temps que les entreprises prévoient de prendre afin de faire progresser significativement la réconciliation, de guider la prise de décision et d’établir des relations avec les communautés autochtones.
[5] Le programme de certification APRA reconnaît le leadership des entreprises en matière de relations avec les Autochtones. Le programme est supervisé par le Conseil canadien pour le commerce autochtone et certifie les entreprises aux niveaux engagé, bronze, argent et or au moyen d’une vérification indépendante de l’entreprise présentant de l’information sur la réconciliation avec les Autochtones.
[6] Sharon Rohan, « Advancing Reconciliation in Canada », Institut pour la réconciliation et l’investissement responsable, (2022) : https://rrii.org/wp-content/uploads/2022/11/RRII-Advancing-Reconciliation-Guide.pdf
[7] https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1686156327382/1686156354952.
[8] Assemblée des Premières Nations et Services aux Autochtones Canada, « Combler le déficit d’infrastructures d’ici à 2030 : Un rapport de coûts collaboratif et exhaustif identifiant les besoins d’investissement en infrastructure des Premières Nations du Canada », (mars 2023) : https://afn.bynder.com/m/367574a3a5cb5abe/original/1-AFN-Closing-the-Infrastructure-Gap-by-2030-National-Cost-Estimate-English-report-1.pdf.
[9] First Nations Major Projects Coalition (FNMPC), « Advance Major Projects with Full Indigenous Participation to Grow Canada’s Economy », FNMPC, (18 juillet 2023) : https://fnmpc.ca/advance-major-projects-with-full-indigenousparticipation-to-grow-canadas-economy/.
[10] Shaun Fantauzzo, Niilo Edwards et Mark Podlasly, « Government Loan Guarantees for First Nation Equity Participation: A Primer », First Nations Major Projects Coalition, (2024) : https://fnmpc.ca/wp-content/uploads/FNMPC_Loan_Guarantee_Primer_01172023_v3.pdf.
[11] Fasken, « Bulletin Droits des Autochtones », (24 avril 2025) : https://www.fasken.com/fr/knowledge/2025/04/update-on-trends-in-indigenous-equity-investments-in-canada.
[12] https://www.enbridge.com/media-center/news/details?id=123853&lang=en.
[13] Conseil national de développement économique des Autochtones, « Rapport sur l’amélioration de l’accès aux capitaux par les peuples autochtones au Canada », (septembre 2017) : https://www.niedb-cndea.ca/fr/latest-news/recommendations-report-on-improving-access-to-capital-for-indigenous-peoples-in-canada/.
[14] Le principe de la septième génération repose sur une ancienne philosophie haudenosaunee selon laquelle les décisions prises aujourd’hui doivent créer un monde durable pour les sept générations à venir.
[15] Semblable au principe de l’écoblanchiment (« greenwashing »), le « redwashing » est une réponse généralement apportée par les entreprises à une question sociale ou juridique urgente qui se contente d’utiliser un vocabulaire et des symboles précis sans toutefois offrir réellement de changement transformateur ou significatif. Il s’agit de tenter de créer une apparence de réconciliation ou de générosité – une réconciliation dans son concept purement superficiel. » Robert Houle, « Redwashing Extraction: Indigenous Relations at Canada’s Big Five Banks », Yellowhead Institute, (août 2022) (traduction libre).
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